Bonsoir, chers internautes !
Ce soir, je vais évoquer les premiers pas que j'ai fait dans le monde du metal et mes groupes "coup de coeur" dans l'ordre chronologique de mes découvertes. Après un petit paragraphe préalable sur Dream Theater, je vais donc parler des groupes suivants : Pain of Salvation, Opeth, Iron Maiden, Tool
Pain of Salvation (le line up mythique, qui n'est plus le même aujourd'hui)
De gauche à droite: Johan Langell (batterie), Fredrik Hermansson (claviers), Kristoffer Gildenlöw (basse), Johan Hallgren (guitare), Daniel Gildenlöw (chant hallucinant, guitare)
Iron Maiden
De gauche à droite : Janick Gers (guitare), Steve Harris (basse), Bruce Dickinson (chant), Adrian Smith (guitare), Nicko McBrain (batterie), Dave Murray (guitare) ; trois guitaristes !!!
Tool
De gauche à droite et de haut en bas : Justin Chancellor (basse énooorme sur "10000 Days")), Maynard James Keenan / MJK pour les intimes (comme moi) (chant génial et sinueux), Danny Carey (batterie énoooooorme sur "Lateralus"), Adam Jones (guitare)
Dream Theater
De gauche à droite : James LaBrèl... euh LaBrie (chant maniéré), John Petrucci (guitare virtuose), Jordan Rudess (claviers "bontempi"), John Myung (basse), Mike Portnoy (remplacé récemment par Mike Mangini) (batterie à huit bras)
Opeth
De gauche à droite : Peter Lindgren (guitare romantique), Martin Mendez (basse tellurique), Mikael Akerfeldt (guitare, chant schizophrène), Martin Lopez (batterie), Per Wiberg (claviers)
I Dream Theater
Tous ceux qui me connaissent savent le rapport particulier que j'entretiens avec ce groupe. Dream Theater est le groupe par lequel je suis entré dans le metal. Je ne savais pas que je tombais-là sur le fer de lance de la scène progressive, un groupe qui laisse songeur... dans tous les sens du terme. Tout d'abord, je prenais connaissance d'un combo capable de produire des morceaux de plus de vingt minutes, ce qui n'a pas manqué de m'impressionner. Ensuite, je suis resté bouche-bée par la performance technique des sections instrumentales, proprement bluffante. Seule la voix m'a rapidement fait tiquer, peu adaptée, à mon goût, à une musique metal. Le pauvre James s'égosille dans les aigus et en fait trop dans les ballades, leur donnant une saveur sucrée et affectée parfois gênante.
Dream Theater est le groupe qui initia le "metal progressif". Alors, qu'est-ce que cela veut dire ? En fait, il vaut mieux partir du rock progressif et expliquer le style qui nous occupe par un durcissement de ses bases. En clair, le metal prog (on utilise souvent cette abréviation dans le milieuu), c'est du rock progressif plus musclé. Du coup, on retrouve toutes les caractéristiques du rock prog de la période dorée, les 70', dont les représentants les plus fameux (mais pas forcément les meilleurs à mon goût) sont Pink Floyd, Genesis (aujourd'hui sous la coupe du célèbre chanteur-batteur Phil Collins) et Yes : des morceaux longs (ou pièces dites épiques de plus de vingt minutes) et pluri-sectionnels (en fait, un morceau regroupe plusieurs chansons plus ou moins distinctes les unes les autres, l'intro et l'outro se répondant pour donner à l'ensemble une cohérence globale parfois artificielle), une virtuosité instrumentale souvent impressionnante ainsi qu'un certain penchant pour les soli (c'est ce qui rapproche le plus le rock prog du jazz) ; ajoutons encore à cela (quelle phrase indigeste ! Elle représente bien les travers du rock prog et de Dream Theater en particulier) le goût (plus ou moins prononcé selon les groupes) de l'expérimentation.
En fait, le terme de progressif vient de l'idée, dont les germes parurent après 68', que la musique pop pouvait "progresser" vers plus de complexité en termes d'expérimentation, de composition et d'exécution. Je déteste ce terme de "prog", aux forts relents hegeliens, mais l'histoire l'a voulu ainsi, et un certain nombres de groupes étiquetés "prog" me passionnent, donc...
(Pour expliquer la présence de Hegel, je vous renvoie à l'Esthétique, dans laquelle le philosophe analyse l'art sous un angle historique et... "progressiste"; de son point de vue la poésie serait le meilleur art car c'est le plus proche de l'Esprit. Entendez par là que l'architecture, la musique, la peinture sont obsolètes puisqu'ils ne reflètent qu'imparfaitement l'Esprit (glups...). Evidemment, Hegel conclut brillamment en disant que tout ceci doit aboutir à la philosophie, l'incarnation la plus parfaite des Idées ; l'art n'a plus aucune utilité...mais je m'égare...)
Revenons à notre groupe. En 1992 déboule Images and Words dans les bacs et le metal progressif trouve son chef de file, sortant le genre moribond du prog de l'ornière alors qu'explose le grunge de Nirvana. Dès la pochette, on sent la volonté de Dream Theater d'assumer l'imagerie des groupes de prog des 70'. Comparons la pochette d'Images and Words à la pochette de Foxtrot du groupe Genesis :
Images and Words (1992)
Foxtrot (1972)
Ensuite, le groupe ratisse large dans les 70' pour puiser ses influences (souvent voyantes) allant de Pink Floyd à Yes (cela va d'ailleurs jusqu'à enregistrer des albums hommages complètement inutiles et parfois désastreux comme Dark Side of The Moon le célèbre album des "flamants roses" de 1973):
Dream Theater (2011)
Pink Floyd (1973)
Plus récemment, le groupe rendait expressément hommage à Metallica (groupe que je n'apprécie guère, je m'excuse auprès des fans) dans l'album Train of Thoughts (2003) et Muse dans le titre "Panic Attack" de Octavarium.
Train of Thought (2003)
Octavarium (2005)
Bien, passons au crible les qualités et les points fâcheux du groupe:
-Points positifs: -Une grande technicité. Il faut bien avouer que tenir des concerts de trois heures sans faiblir et jouer la moindre fausse note tient de l'exploit. LaBrie peut profiter des joutes instrumentales entre guitares et claviers (préparez-vous à être assommés par des déluges de notes) pour se reposer et ne pas trop s'étangler sur les aigus. Bref, le groupe est d'un perfectionnisme sans faille et est un monstre de technique pour soutenir ses longues compositions labyrinthiques à tiroirs.
-Une grande passion. Il est clair que le groupe aime son métier et reste fidèle à ce qu'il aime depuis le début de sa carrière. Sa généreuse discographique est riche en lives pantagruéliques pour soutenir une horde de fans affamés de plus en plus dense.
-Ses pochettes (qui ont séduit un ami au point qu'il s'en achète un album. A son grand dam...)
-Point négatif: -Le manque de musicalité et de liant dans la composition. Ces mecs (je suis désolé de la dire) ne savent pas composer. Les chansons, rhapsodiques, n'ont pas de construction dramatique et toutes les sections sont mises sur le même plan. Les parties et les ambiances sont certes variées mais l'ensemble manque cruellement de dynamiques. Les passages jouissifs (il y en a, soyons de bonne foi) sont noyés par des démonstrations masturbatoires stériles qui manquent cruellement de "feeling" ! Du coup, on se fait ch... s'ennuie.
Dès lors, je déteste ce groupe autant que j'ai pu naïvement l'admirer autrefois (cela ne fait que quelques années mais j'ai honte de m'être laissé berner et d'avoir aimé cette musique pour de faux critères) pour ses prouesses techniques. Mais Thibault m'a aiguillé vers un autre groupe plus intéressant à mes yeux. Un copain à lui lui aurait parlé d'une certaine Pain of Salvation, susceptible d'attirer les amateurs de Dream Theater. Encore sous le joug de cette musique robo(u)rative, je tente ma chance. Je tombe à la fnac de Toulouse sur l'album A Perfect Element et là... le choc.
II-Pain of Salvation
Bon, là je vais tout simplement parler d'un groupe de metal qui est resté mon préféré pendant de longues années (je n'en suis plus si sûr aujourd'hui) même si je sais qu'avec un nom pareil, ça part mal. On aurait tôt fait de cataloguer cette formation parmi les groupes qui encensent bêtement la souffrance et la violence, avec une imagerie religieuse de pacotille, bien kitch. Or, il faudrait plutôt y voir une connotation chrétienne (je fais peut-être là une pub encore plus désastreuse au groupe mais tant pis je continue) dans le traitement de la faiblesse humaine. Pain of Salvation parle toujours d'expériences au cours desquelles l'homme est confronté à ses propres limites, où il a du mal à porter la croix, le fardeau d'épreuves difficiles. C'est cet aveu d'impuissance qui me touche le plus dans la musique du groupe suédois. En quelque sorte, cette dernière illustre la phrase de Pascal "Misère de l'homme sans Dieu". Sauf que chez Daniel Gildenlöw, Dieu est loin, voire absent. L'homme est seul face à la violence d'un monde absurde et cru. La seule chose palpable, visible, vécue, est la souffrance.
"Mais quand nous parlera-t-il enfin de musique et cessera-t-il ses délires métaphysiques?" vous entends-je déjà dire. En fait, je suis en plein dans mon sujet... Pain of Salvation se démarque déjà de la concurrence de par la gravité de ses textes, sans lesquels nous perdons une (bonne) partie de l'intérêt du travail fourni par le groupe. Daniel Gildenlöw a saisi sa "plume de fer" pour disséquer les tourments les plus sombres, les plus torturés (donc les plus intimes) de l'âme humaine. Avec une indéfectible passion. Avec une implacable lucidité. Daniel Gildenlöw a écrit l'une des plus belles phrases que j'aie pu lire dans une chanson : "we will always be so much more human than we wish to be" (nous serons toujours beaucoup plus humain que nous ne le voudrions). Cette phrase a longtemps poursuivi l'homme en quête d'idéal et d'absolu que je suis. Elle sonne comme un constant garde-fou personnel : mes désirs seront toujours limités par l'humanité de ma nature. Notre Suédois traite d'autres sujets, mais l'âme humaine et ses tensions, ses contradictions, reste son terrain de prédilection. Voici un texte que j'aime beaucoup, celui de "Road Salt", accompagné de sa musique:
Road Salt Route salée
This time I'll try not to get hurt Cette fois je ne me blesserai pas
This time I'll stay untouched by pain and dirt Cette fois la poussière et la douleur ne m'atteindront pas
This I'll stick to what I've learned Cette fois je m'en tiendrai à ce que j'ai appris
This time I'll fly so low I won't get burned Cette fois je planerai si bas que je ne me brûlerai point les ailes
Chorus: But maybe it's not enough Mais ce n'est peut-être pas suffisant
Maybe this time it's just too much Cette fois, c'est peut-être trop
Maybe I'm not that tough Peut-être que je ne suis pas si fort
Maybe this time the road is just too rough Peut-être que le chemin est trop dur à arpenter
To walk down
So I sit down Alors je m'assieds
I've walked this road so many years Tant d'années, j'ai suivi cette route
I've worn down all my boots, I've cried all tears Mes chaussures sont hors d'usage, je n'ai plus de larmes
So many crossroads left behind J'ai franchi tant de carrefours
So many choices burned into my mind Tant de choix sont partis en fumée dans mon esprit
Chorus (voir ci dessus) +
The road is just too rough Peut-être la route qui me conduit vers chez moi est-elle trop dure
To take me home
But I walk on... Mais je tiens bon, et marche... (Daniel Gildenlöw)
Alors, quid de la musique ? Il s'agit, comme pour Dream Theater, de metal progressif, sauf que c'est le plan émotionnel, et non technique, qui, chez eux, est mis en avant. Et pour cause, Daniel Gildenlöw dispose d'une voix extrêmement expressive et belle qui, personnellement, me touche beaucoup. Certes, elle aura ses détracteurs : trop théâtrale, affectée pour certainS. Moi, je ne peux m'empêcher de croire à tout ce qu'il me dit, je suis frappé par sa rage, je suis ému par sa colère, entraîné par sa fougue (non, je ne suis pas amoureux de Daniel Gildenlöw, seulement de sa voix). C'est simple, en termes de force expressive, je le mets sur le même plan que Jeff Buckley (ce qui n'est pas peu dire). Du coup, elle relègue un peu au second plan la performance instrumentale, qui n'est pas en reste. Les mesures rythmiques restent complexes, les solis de guitares demandent dextérité et "feeling", les compositions à tiroir (mais davantage maîtrisées que chez Dream Theater, d'ailleurs aucun morceau ne fera braucoup plus de dix minutes) sont parfois surprenantes et tortueuses ; on est quand même dans du prog, le niveau technique se doit d'être à la hauteur !
Plus encore, la musique de Pain of Salvation peut se targuer d'être assez unique, et si une cohorte de groupes suivent la voie boulevardesque de Dream Theater (souvent encore plus mal que lui, c'est dire), peu s'aventurent sur les pentes escarpées du quintet suédois. Il faut dire qu'au jeu des influences, il y en a une que l'on vient rarement chercher (et qui témoigne d'un certain bon goût) : Faith No More, un groupe de metal fusion emmené par le charismatique et complètement timbré (doux euphémisme) Mike Patton. On peut faire un parallèle avec Daniel Gildenlöw sur le chant un peu rappé et la "versatilité" vocale (même si à ce jeu-là, il faut le dire, Mike va encore bien plus loin) et le terreau parfois funk et jazz est commun aux de groupes à certains moments. Et si vous jouiez aux sept différences avec ces deux morceaux ?
Lien youtube pour "Diffidentia" de Pain of Salvation : http://www.youtube.com/watch?v=WvmlvhyAX2o
Dream Theater plane sur les débuts du groupe mais son influence tend peu à peu à s'effacer (heureusement ?). C'est à peu près tout, car au sortir des jeux de comparaison, Pain of Salvation s'impose par sa singularité. De plus, nos Suédois changent considérablement de style entre chaque album, ce qui n'est pas pour me déplaire, car musicalement, cela marche plutôt bien. Ainsi, entre le premier et le dernier album, la musique s'est considérablement simplifié dans ses structures et son instrumentation pour se concentrer sur ce qui fait la force du groupe : une aura émotionnelle intense, dont la voix de Daniel Gildenlöw est indéniablement le meilleur vecteur. Vous jugerez par vous-mêmes en comparant ces deux extraits :
Pain of Salvation, "People Passing By" de l'album Entropia (1997) : http://www.youtube.com/watch?v=f47atyeCmrE
Pain of Salvation, "Healing Now" de l'album Road Salt II (2011) : http://www.youtube.com/watch?v=s0X23P9Vq1o
Voilà, je crois que vous aurez assez à lire, à écouter et à voir pour cette fois (burp...), mais je ne vous quitte pas avec ce groupe que j'adore ! Je vous décortique deux albums la prochaine fois !
A bientôt chers internautes !