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Porcupine Music "L'art qui vous prend à rebrousse poil"
15 février 2012

Les albums du second quintette

   Bonsoir chers internautes !

   Un petit message pour chroniquer certains "milestones" du second quintette. Tous les disques sont proprement excellents mais je vais m'attarder sur deux d'entre eux.

I-Miles Smiles (1966)

   album-miles-smiles

   Faisons un petit sort au petit jeu de mot du titre (une paronomase dans le jargon pédantesque des études littéraires), pour casser le mythe du musicien ombrageux et ténébreux qu'était Miles. Oui, Miles souriait et rigolait, paraît-il, beaucoup avec ses musiciens, même si le public n'avait droit, lui, qu'à une attitude austère et taciturne, limite autiste (en fait, il laissait toute la place à la musique. Miles est un musicien avant tout, et non un showman comme pouvait l'être Michael Jackson).

   Cet album est concentré d'efficacité, et ne perd pas une seconde. Presque tous les tempi (la ballade "Circle" mise à part) sont élevés, et les soli s'enchaînent à un rythme échevelé. Plusieurs choses sont à remarquer. Tout d'abord, le disque comprend "Footprints", une très belle composition modale de Wayne Shorter qui sera sélectionnée pour le répertoire live du groupe. Miles aimera beaucoup cette composition. Ensuite, il révèle la manie chez Miles de ne pas vouloir être accompagné au piano pendant ses choruses. C'est surtout avec Tony Williams que Miles aimera dialoguer, car le trompettiste apprécie beaucoup les batteurs. Le jeu de plus en plus percussif de Miles montre l'importance prépondérante du rythme pour lui. Une anecdote enfin : Miles était le seul qui pouvait se permettre d'arrêter le groupe s'il n'était pas content de son solo. Les autres devaient assurer derrière si le trompettiste était satisfait de son travail ! On imagine la terrible pression (entretenue vicieusement par Miles, qui savait que c'était un excellent moyen de tirer le meilleur de ses partenaires) qui devait peser sur leurs épaules !

   Ce disque est considéré pour beaucoup comme le meilleur du quintette. C'est sans doute le plus efficace et je vous conseille de commencer par celui-ci si vous voulez tenter l'aventure.

II-Sorcerer (1967)

album-sorcerer


  Un premier commentaire sur la pochette. Il s'agit de Frances Taylor, la femme de Miles. Jusque-là, ça vous fait une belle jambe, mais il est amusant de constater que c'était un choix militant volontairement assumé par Miles qui refusait les propositions d'origine des pochettes (souvent des femmes blanches) car il voulait défendre le peuple noir. Il était très scrupuleux de donner aux afro américains la dignité qu'ils méritaient et dant les blancs les privaient.

   Une fois n'est pas coutume, Miles ('ai toujours dit qu'il composait peu, mais il y avait toujours au moins un morceau signé de sa main), ne signe aucune composition. C'est Wayne Shorter qui rafle la mise. Détail amusant, deux titres vont devenir des surnoms pour Miles Davis : "Sorcerer" et "Prince of Darkness". Difficile de dire qui des morceaux ou des surnoms ont eu la primeur, mais l'anecdote m'a beaucoup diverti.

   Cet album n'a rien de particulier; il est très représentatif de ce que fait le quintette, plus posé que Miles Smiles, plus poétique et abstrait. Comme toujours, les soli sont émaillés de surprises, les tempi changent régulièrement, et les musiciens s'offrent une grande marge de liberté et d'intéraction.

   C'est sur le disque suivant, Nefertiti, que des expériences plus significatives vont apparaître. Sur le morceau titre, les vents ne vont jamais improviser mais répéter en boucle un thème étrange, à la modalité ambiguë tandis que la partie rythmique du quintette ne cessera de varier et d'improviser sur ce noyau. C'est une redistribution complète des cartes, un reversement complet des rôles. Ceux qui sont d'habitude en avant se mettent cette fois en arrière ! Cet effet de boucle sera repris dans "Fall" et "Pinocchio", où le thème sera joué en boucle, en filigrane, pendant l'exposé du soliste. Tout ceci résume bien les dispositions expérimentales du quintette. Si de l'extérieur, le cadre semble habituel, les rouages internes sont déformés, retournés jusqu'à plus soif.

   Dans l'ensemble, la musique reste exigeante, parfois âpre, aride. Le lyrisme habituel de Miles ne s'y exprime que rarement. Mais l'écoute attentive trouvera une multitude de subtilités rythmiques et harmoniques qui le raviront. La poésie abstraite si particulière au quintette achèvera de vous convertir.

   Voici un extrait de "Footprints", sans doute le morceau le plus connu, le "hit" (toutes proportions gardées, on est loin du tube de l'été !) de ce groupe:


Miles Davis Quintet NY 1966 Footprints

 Pour ceux qui attendaient avec impatience le tournant électrique du maître, ce sera pour la prochaine fois, promis !

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