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Porcupine Music "L'art qui vous prend à rebrousse poil"
14 août 2012

Bashung II : du rockeur déglingué au poète désoeuvré

   

    Bonsoir chers internautes !

    Et voici la suite de ma chronique dédiée à ce drôle d'oiseau. Cette fois, nous allons couvrir la décennie des années 90' et 2000' qui sont à mon avis les meilleures de l'artiste. Elles sont en tout cas bien plus sombres et introspectives que les années 80'. L'humour décalé a pratiquement disparu ou se revêt d'une robe ébène plus épaisse que jamais (si c'était possible, le rire de Bashung étant toujours excessivement grinçant). Les jeux de mots sont toujours présents, mais pour alimenter les eaux troubles d'une poésie mystérieuse, noire, quasi hermétique. Le texte est au delà de la provocation et sonde les folies du chanteur de manière beaucoup plus frontale et froide. Le recours au sarcasme n'est plus possible, nous sommes plongé sans retour possible dans les abîmes torturés de l'inconscient d'Alain.

   Cette noirceur accrue est due à deux facteurs essentiels :

 -la voix tout d'abord, toujours plus ronde et grave, prenant à contrepied les glapissements rauques et nasillards des années précédentes. On n'ose en chercher la raison : l'abus d'alcool et de psychotropes ? son cancer du poumon qui se déclarera bientôt ^pour finalement l'emporter ?

 -les arrangements, qui abandonnent progressivement les sonorités kitchs de la cold/new wave pour se rabattre essentiellement sur une guitare brumeuse (on pense notamment à Marc Ribot, dont la sonorité concourt beaucoup à façonner la glèbe étrange de Chatterton)

   Peu de choses laissaient pourtant augurer cette lente descente dans les ténèbres de la psyché et surtout pas l'album Osez Joséphine, qui dévoilent l'inclination du chanteur pour la country du nouveau monde. Apaisé, ludique, le disque, ponctué de nombreuses reprises de chansons américaines (on pense notamment à "She belongs to me" de Bob Dylan) dégage une clarté solaire et paisible somme toute inhabituelle pour les habitués de l'artiste. Cette quiétude n'est sans doute pas pour rien dans le succès de ce disque, le plus vendu à ce jour.

49334600Osez Joséphine (1992) Pour les garçons pervers, (comme moi), notez que la charmante créature qui accompagne l'artiste est topless et exhibe (vous le dévouvrez dans le livret qui accompagne le disque) une bien jolie poitrine. Le tout, comme d'habitude chez Bashung, sans aucune vulgarité.

  L'album est surtout emmené par deux tubes incontestables : la plage-titre et son fameux groove "western" avec un duo batterie/guitare très efficace (ah! cette caisse claire en contretemps) et entraînant, et "Madame rêve", qui célèbre l'onanisme au féminin avec un érotisme troublant. La ligne de contrebasse en pizzicato arpégé et les brumeuses harmonies de violon n'y sont pas non plus pour rien. Quant au texte... il mérite sans doute sa place au panthéon de la littérature érotique française.

   Voici les clips de ces fameuses chansons (les images ne sont malheureusement âs à la hauteur de la musique) :

    Ce petit interlude ensoleillé ne laissait guère présager le triptyque bourbeux mais flamboyant qui allait suivre, trois chefs-d'oeuvres coup sur coup : Chatterton (1994) , Fantaisie Militaire (1998), et L'imprudence (2002). J'ai adoré chacun de ces trois disques pour différentes raisons, et je vais vous les exposer.
I-Chatterton
 

alain bashung chatterton

 

   C'est, du tryptique, l'album que j'ai découvert en dernier. Commençons par une anecdote amusante. Barclay, la maison de disques de Bashung, avait adoré Osez Joséphine pour son côté country et accessible, et qui contenait des tubes imparables, dont les deux chansons que j'ai évoquées ci-dessus. Or, lorsque les premiers titres "A perte de vue" et "Que n'ai-je" ont commencé à tourner sur la platine, Barclay a commencé à pâlir ; ces chansons étaient des ovnis absolument invendables et encore moins radiodiffusables. Il a fallu attendre "Ma petite entreprise" pour que le label pousse un soupir de soulagement. Et, de fait, la chanson devint le single qui exposa le disque sur les ondes radiophoniques.

   Or, cette chanson n'est pas du tout représentative de l'ambiance générale de Chatterton, mais bien les deux premiers titres qui ont fait se dresser les cheveux sur la tête à Barclay. Qu'avaient-ils de si effrayants, ces deux titres ? Tout simplement une coloration sombre et inquiétante, des boucles hypnotiques tracées par le manche de la guitare vénéneuse de Marc Ribot, et la voix de Bashung qui psalmodie plus qu'il ne chante. La rupture entre couplet et refrain a totalement disparu, laissant planer une atmosphère presque immobile tant elle est poisseuse et répétitive. La musique n'évolue pas beaucoup, mais prend le temps d'instiller son lancinant malaise dans les oreilles de l'auditeur. Dans le premier titre, la trompette blafarde de Stéphane Belmondo achève d'embrumer le paysage. La voix, elle, n'est plus trop en rythme ; difficile de de saisir une véritable mélodie, il n'y a que le texte, magnifié par la diction du chanteur. A ce titre, les premières paroles du premier disque reflètent bien l'ambiance générale de l'album, sombre et désespérée : "A perte de vue, des lacs gelés, qu'un jour j'ai juré d'enjamber [...] a perte de vue, du déjà vu, du déjà vécu, se précipite à mes trousses".Et en effet, les alentours sont froids, le temps est même glacial. Et la musique, ainsi que les magnifiques textes du tandem Bashung-Jean Fauque, ne cesseront de souffler cette bise ambiguë, coupante et lourde, non exempte de glissements de terrain.

   On comprend mieux, dès lors, à quel point "Ma petite entreprise" fait figure d'exception et peut tromper l'auditeur sur la marchandise. En voici le clip, que je vais enchaîner avec "A perte de vue", pour bien ressentir le contraste :

    Concluons la chronique de Chatterton par descitations qui m'ont particulièrement marqué :

"mes ombres s'échinent à me chercher des noises"  (J'passe pour une caravane)

"le plus clair de mon temps dans ma chambre noire"  (J'passe pour une caravane)

"donnez-moi de nouvelles données" (A perte de vue)

"Elvire, comment lui en vouloir, l'illusion est parfaite, ses ions ses touchantes attentions me criblent de rêveries véritables" (Elvire)

"mais saura-t-elle ce qu'j'éprouve à séjourner au sein d'un logiciel" (Elvire)

   Dernière remarque au sujet de cette chanson "Elvire" que je trouve très intéressante. On dirait que Bashung à pressenti le danger du virtuel qui est aussi adulé que le réel. Le personnage est envoûté par une fille virtuelle qu'il prend pour son grand amour. Il n'aime que des polygones mais elle n'y peut rien, "comment lui en vouloir". Bien sûr les paroles restent suffisamment sybillines pour que l'on pense ce que l'on veut, mais tout de même. Part contre, "Ma petite entreprise" est très claire : Bashung parle de sa "bite", c'est un gigolo qui palpe son épiderme (je vous laisse deviner à quel endroit) à plein temps. Et dire que cette chanson à servi de fonds pour la pub d'une agence qui aidait les entrepreneurs à se lancer ! A mourir de rire !

   Sur ce, je vous laisse. J'achèverai cette chronique une autre fois. Il se fait tard et je commence à m'aventurer dans des zones glissantes...

  

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